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30 oct 2011

LA CINÉPHILIE-INVENTION D'UN REGARD, HISTOIRE D'UNE CULTURE (1944-1968). Abstract. Article complet. "The cineclub's review" number 1



Compte rendu
La cinéphilie – Invention d’un regard, histoire d’une culture – 1944 – 1968
Antoine de Baecque
Paris : Fayard, 2003, 405 pages.

Par Felipe Macedo
La cinéphilie est à la mode. Au moins dans certains milieux académiques, surtout états-uniens. Et c’est beaucoup la faute de Antoine de Baecque, prolifique éditeur, journaliste, historien, professeur et critique de cinéma et cinéphile tardif, d’après lui-même. De Baecque produisit une trentaine de livres, en partant de ses études universitaires sur la Révolution Française et puis se spécialisant dans le thèmes du cinéma, des cinéastes et de la cinéphilie. Il fut éditeur des Cahiers du Cinéma (1996/98) et éditeur de culture du Libération (2001/06), parmi d’autres publications. Il organisa une anthologie, en neuf volumes, des Cahiers et publia des études importants sur François Truffaut, Manoel de Oliveira, Tim Burton, pour ne mentionner que ceux-là.


Mais si nous voulons le culpabiliser pour cette nouvelle vague de cinéphilie d’aujourd’hui, il faut chercher son article, en collaboration avec Thierry Frémaux, publié dans un numéro spécial – Cinéma, le temps de l’histoire - de Vingtième Siècle. Revue d’histoire, no. 46, avril-juin 1995, p. 133-142 : « La cinéphilie ou l’invention d’une culture ». Les auteurs y proposaient une nouvelle approche du cinéma en valorisant le parcours des cinéphiles français de l’après-guerre, la génération de la Nouvelle Vague, qui furent capables de réunir à une posture d’amour pour le cinéma, l’elaboration d’une vision et d’un discours critique qui aboutirent à une production avec un style distinctif.

L’article est à la base de l’introduction de ce La cinéphilie, dont il défine et délimite les propos. Et ce sont ces propositions qui furent reprises postérieurement par plusieurs théoriciens e historiensi de cinéma. Au moins en nombre – sinon prestige - semblable à ceux qui refusent tout droit de citonyenneté à la cinéphilie dans les études « vraiment scientifiques » du septième art.
En effet, ce différend dérive d’une opposition, en quelque sorte fondatrice, des rapports entre la théorie cinématographique officielle, qui s’instaure à l’Université dans les années 50 et 60ii, et le succès de la critique « païenne », issue des cinéclubs parisiens à la même époque.

De Baecque prétend récuperer et systématiser les valeurs de cet « âge d’or de la cinéphilie », et proposer les bases d’une conceptualisation plus large qui ne nie pas – au contraire, les valorise – la spontanéité, la subjectivitéiii et le parti pris des cinéphiles des tribus des Cahiers de Cinéma et Positif ; des hitchcoko-hawksiens et macmahoniens. Dans cette systématisation, de Baecque dresse toute une méthode qui valorise épistémologiquement la cinéphilie. C’est sur cette base que les auteurs plus récents ont emmené et dévéloppé le concept à l’académie.

Les autres chapitres du livre sont en bonne partie des reprises approfondies d’articles publiés anterieurement qui abordent la période, les sujets et concepts – la Nouvelle vague, la fameuse politique des auteurs, la mise-en-scène, la femme, etc -, et ses protagonistes (et antagonistes): Bazin, Sadoul, Truffaut, Godard, au coeur des chapitres, mais aussi Rohmer, Resnais, Rivette, jusqu’à Comolli, l’affaire Langlois et le passage à la « période politique » des Cahiers, qui ferme le texte.

Pour l’auteur, la cinéphilie est objet d’histoire : une période, des réalisateurs, un corpus de films, un ensemble d’articles et d’entretiens avec des auteurs. C’est une manière de voir les films, d’en parler, puis diffuser ce discours.

C’est aussi un comportement ritualisé, histoire d’une cérémonie, dont on peut établir les caractéristiques. La salle comme temple. Des rites du regard – la place choisie par le cinéphile dans la salle (surtout à la troisième rangée) -, de parole (les débats) et décriture. Des communautés d’interprétation : les groupes cinéphiles, avec ses cinéclubs, ses revues, qui se distinguent autant par ses gestes que par ses paroles et ses écrits. La cinéphilie est héritière d’un dandysme, d’une attitude d’écart et de connaisseur.

C’est l’invention d’une culture. La cinéphilie propose la réintroduction du plaisir du regard, en opposition à une vision du cinéma comme mirroir de la société, voire de l’histoire. Pour ça, elle choisit un cinéma par excellence (divisé en panthéons d’héros des différentes chapelles cinéphiles) : celui de Hollywood. Elle opère le transfert du discours légitimateur, en mettant les réalisateurs « populaires » dans la galerie des artistes reconnus. Ses ennemis sont le cinéma français ossifié, le bon-goût établi, la profession trop réglementée, l’antiaméricanisme de la gauche.

Cette culture adopte, néanmoins, une méthode presque savante, empruntée à l’université. Elle suppose l’accumulation de savoir, voire une érudition ; elle réproduit le jugement par l’écriture, dans un registre plutôt classique, traditionnel. Elle procède uniquement au niveau esthétique, opère seulement des jugements de goût, sans se préoccuper des rapports sociaux, de valeurs idéologiques ou même des signes langagiers (au temps de Christian Metz, Roland Barthes ou Edgar Morin). Ses deux grands critères de jugement sont les genres – essence du film états-unien - et les auteurs.

L’auteur est la notion centrale de la cinéphilie, consolidée par une série de textes fondateurs de Truffaut, qui fondent la « politique des auteurs ». Paradoxe, à l’intérieur du système hollywoodien la cinéphilie trouve des itinéraires particuliers, marqués par des styles personnels : la mise-en-scène.

La politiques des auteurs devient paradigme et métode d’une critique moderne, adoptée par toutes les revues de l’époque : critiques de films, établisement de filmographies personnelles, articles qu’identifient le style de chaque auteur et, finalement, entretiens avec les cinéastes.

C’et la trajetoire cinéphile : on remarque les films, on les critique et des filmographies sont établies ; des programmations spéciales sont organisées ; le cinéaste est interviewé ; l’entretien est publié avec d’autres textes... Il devient, alors, un auteur de films.

Mais il y a une autre dimension traité par de Baecque : le regard comme pratique entraîne la production de films : « Apprendre à voire cést déjà faire des films... c’est construire une représentation du monde où la volonté du cinéaste est en germe ». Il rappele certaines explications sur la génèse de la Nouvelle Vague, pour conclure que c’est surtout cette cinéphilie – regard et apprentissage, conception et formulation – qui explique la mise en oeuvre du mouvement.

De Baecque situe la France comme le seule pays où tout cela fusse possible, où la critique eu tant d’importance. Et cela nous donne une petite clé, peut-être, pour localiser les faiblesses de cette ambitieuse proposition « d’histoire » et méthode.

L’auteur part de la cinéphilie, un concept assez employé comme trait ordinaire de l’attirance qu’exerce le cinéma sur les publics en général, en différents contextes sociaux, historiques, nationaux, pour la dévélopper dans une situation très spécifique. Le groupe à l’origine de la politique des auteurs était très limité – et cela même si on y ajoute le gens de la revue Positif , si on l’élargi aux cercles autour de quelques cinéclubs, des fréquentateurs des fameuses séances de la Cinémathèque. Ce sont quelques cinéclubs dans un moment d’énorme fermentation cinéclubiste en France et en Europe. Ce sont des milliers de cinéclubs, des centaines de miliers, voire des millions de fréquentateurs d’un cinéma enfin libre qu’explose en créativité après les années de fascisme et de guerre. Ce sont plusieurs « cinéphilies », avec autant de méthodes différents, qui engendrent le Néoréalisme, le Free Cinema, le cinéma expérimental en Amérique du Nord, le Cinéma direct, les Cinémas « nouveaux », les Cinémas nationaux un peu partout dans la planète. Mais de Baecque essaye d’établir la cinéphilie française – qui eut pourtant, effectivement, assez d’inffluence – comme paradigme qu’on pourrait faire revenir et appliquer dans n’importe quelle situation. Et, de fait, plusieurs auteurs reprennent exactement cet hypothèseiv. Et là on réintroduit la compréhension du cinéma comme processus individuel, la réception et même le plaisir comme jouissance d’une élite de connaisseurs. John Hessv est un peu plus caustique :

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